Madame De La Carlière- Théâtre du Lucernaire

La saison du Lucernaire (qui fête ses 50 ans !) s’annonce déjà une réussite.

Dans la plus grande des trois salles, deux personnages, “Elle” et “Lui” interprétent et nous content l’histoire de “Madame de La Carlière”. Ce sont Hervé Dubourjal (qui signe l’adaptation et la mise en scène) et Caroline Silhol : deux acteurs complices et talentueux.

Le thème est simple : il se résume dans le second titre donné par Diderot à son conte “De l’inconséquence du jugement public de nos actions particulières”. Madame de La Carlière, malheureuse dans son premier mariage prend pour second mari le Chevalier Desroches à condition d’une fidélité sans faille. Lorsque celui-ci rompt l’engagement en entretenant une correspondance avec une ancienne amie, Madame de la Carlière jette son mari à la vindicte populaire et au scandale. La foule s’en donne alors à cœur joie: l’histoire est amplifiée, déformée, l’un et l’autre défendu ou fustigé sans que personne ne sache vraiment tout le fond de l’histoire. Placidité ou force ? Goût d’absolu et de droiture ou démesure dans la sanction ? Mari malheureux ou bien châtié ? Qui de nous pourrait juger sans iniquité ce qui se joue dans le cœur de chacun ?

Des mœurs, s’il on en juge honnêtement, pas si éloignées de nos propres inconséquences… Surtout au temps des réseaux sociaux et du tout connecté. Alors qui ?

Qui a raison et qui a tort, là n’est point la question mais jugeons moins vite en est assurément l’enseignement !

Les comédiens, sur une scène au décor simple mais évocateur d’une époque, se racontent l’histoire, se font la cour et s’interrogent en de petits apartés sur les mœurs de leurs pairs. Pas toujours d’accord, jamais vraiment fermés, ils font avec nous le chemin intellectuel à travers cette histoire. Cette adaptation vivante rend la pièce dynamique et rythmée. C’est un vrai bonheur de découvrir ce conte méconnu de Diderot dans la bouche de ces deux comédiens aguerris tant leur talent se savoure à chaque phrase de cet étrange et improbable conte.

Je recommande vivement cette pépite à qui aime le théâtre prompt à nous faire découvrir autrement des pans de notre littérature française. À voir et applaudir (et méditer un peu) !

Crédit photo: (c) Yan Malaise

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