Roméo et Juliette- Comédie-Française

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De mon dernier Shakespeare (le roi Lear, théâtre de la Ville : 3h45 de noirceur et de folie dans une langue fastidieuse), je n’avais pas gardé un très bon souvenir.

Aussi, malgré ma passion pour la Comédie Française, je rechignais un peu à me taper le grand classique de « Roméo et Juliette ». J’avais tort car bien que connaissant comme tout un chacun le mythe, je n’avais pourtant jamais vu la pièce… Et j’ai tout simplement adoré !

Loin de mes préjugés face à cet « incontournable », j’ai découvert un Shakespeare très abordable, incroyablement comique et très bon conteur. Eric Ruf, administrateur général et metteur en scène de la pièce a réussi le pari d’un spectacle grand public qui déjoue l’imaginaire collectif lévitant autour de la pièce, faisant ainsi honneur à la mission du Français d’apporter la culture au plus grand nombre. La troupe joue avec le spectateur pour lui raconter ce conte dans une Vérone intemporelle et à l’image de ce que suscite Shakespeare depuis des siècles dans le cœur des hommes. La troupe joue aussi pour elle-même, pour le plaisir d’être sur scène et la complicité entre les acteurs élève chaque jeu individuel à quelque chose de plus grand. C’est un Serge Bagdassarian très en forme qui nous fait la sérénade en italien, un Laurent Laffitte et un Pierre-Louis Calixte parfaits en bagarreurs au sang chaud, un Didier Sandre gesticulant à souhait, un Bakary Sangaré très convaincant en conteur à la voix grave, un Jérémy Lopez en vilain garçon touché des sentiments les plus beaux et une Suliane Brahim aussi gracile en jeune première que candide en jeune premier (cf rôle Lucrèce Borgia).

Ce qu’il y a de génial dans cette pièce et que j’ai découvert dans le texte, c’est la manière dont Shakespeare tourne sans cesse en dérision ces deux personnages principaux et le tragique insoutenable de leur histoire. Campés et aveuglés dans leur noblesse, dans la pureté et la profondeur de leurs sentiments, Roméo et Juliette sont comme deux protagonistes qui se seraient trompés de pièce. En effet tout autour d’eux n’est que comique, que situation absurde (comme la scène où le père de Juliette, Didier Sandre, s’emporte à son refus de se marier avec Pâris). Il y a deux univers, deux lectures parallèles de la pièce qui se mélangent et se nourrissent pour le plus grand bonheur de la salle, qui rit de très bon coeur.

Magnifique également de voir Eric Ruf tapis, debout 2h durant dans un coin de la salle, comme un gamin épiant un film qu’on lui aurait interdit de regarder trop tard, magnifique de le voir rire et se délecter du travail de ses collègues, prendre plaisir lui aussi à être dans la salle.

Un très beau moment de partage qui en réconcilierait plus d’un avec le répertoire classique !!

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