Fracassés- Théâtre de la Villette

Un ami, disparu. Trois autres encore là : ils ont vieilli. Ted surtout qui a une vie bien rangée, une femme aimante mais un peu castratrice et un métier de comptable qu’il ne supporte déjà plus. Son vieux copain Danny, lui, est resté jeune dans sa tête, désengagé, impotent à devenir ce qu’il désire pourtant par-dessus tout : faire de la musique. A ces deux loubards s’ajoute Charlotte, celle qui a le mieux réussi et occupe un poste de prof mais dans un quartier difficile. Elle sort avec Danny et hésite à tout plaquer, lui et la ville, pour partir loin. Pendant une soirée, le jour de l’anniversaire de la mort de leur ami Tony (dont on ne saura jamais l’histoire), ces trois épaves de notre époque vont se retrouver, sortir danser, se droguer. Ils sont fracassés tous les trois, pas vieux mais leurs ailes sont déjà coupées, leur élan mal en point.

Dans le rôle du paumé, Clément Bresson est extrêmement attachant, présent sur scène comme si c’était lui, comme si le message de cette pièce il le connaissait pour lui-même. Gabriel Dufay et Claire Sermonne semblent eux aussi être sur scène parce que seul cet univers pourrait dire leur désarroi, leur incompréhension, leur défaite et en même temps leur irrépressible désir de vivre, comme si la scène était l’endroit exact où ces trois talents devaient se trouver. Leur place dans le monde.

Une énergie passe et s’anime dans cette création à l’état brut, adaptée de la pièce Wasted de la poétesse anglaise Kate Tempest. Musique urbaine et culture street, jeux de lumières, rave party et danse de la défonce font partis des éléments choisis pour montrer les illusions perdues, et le dur constat qu’il n’y a pas d’ailleurs, pas d’échappatoire. Mais au-delà de cette interprétation qui plaira certainement à un public jeune capable de s’identifier, la mise en scène de Gabriel Dufay a quelque chose d’explosif et d’indigné qui met en valeur l’énergie de Kate Tempest et son oralité poétique. La peur des ailleurs est là mais les regains d’espoir ne sont pas très loin non plus.

En définitive, ce trio d’amis perdus dès l’adolescence, incapables de se soutenir dans leur vie d’adultes, semble tomber dans les excès pour avoir une bonne raison de ne pas y arriver. Et en montant cette pièce, c’est un peu comme si Gabriel Dufay s’adressait à la jeunesse moderne, comme dans une invitation à se tenir loin d’eux et droit dans nos rêves.

La musique à fond servira le propos comme un électrochoc. Puissant !

crédit : DR

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